« Il ne convient pas d’aimer le vin modérément :
on pourrait croire que vous tenez ce don de Dieu
pour peu de chose »
Michel
Eyquem de Montaigne, Les Essais
En
ce beau samedi 24 septembre 2016, après la charmante réception de mon élection
en qualité de nouveau membre élu, au sein de «l’Académie des lettres et des
arts du Périgord», (ALAP) tenue au Caveau de la Vinée, Cloître des Récollets, place du Dr Cayla à Bergerac, dans le Périgord pourpre, un hommage à Michel Montaigne s’imposait.
À
une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Bergerac, en compagnie de mon épouse
et des amis, je suis allé dire merci à cet illustre écrivain et philosophe Michel
de Montaigne qui est en quelque sorte le parrain de L’ALAP. Comme me l’a
aimablement écrit notre présidente Annie
Delpérier. « En ce qui concerne le
rapport de l’Académie à Montaigne il est le plus direct qui soit, puisque le
Journal de l’Académie, Les Annales de l’ALAP, a été placé sous l’égide de La
Tour de Montaigne, et que cette tour symbolise les armes de l’Académie, depuis
la naissance de l’institution. Vous
aurez remarqué que la médaille de l’Académie est frappée à l’effigie de la Tour
de Montaigne, et le Montaigne du peintre José Correa, dans une version
contemporaine, orne tous nos diplômes.
Illustration des diplômes de l’ALAP, par José Correa
Périgourdin d’adoption, peintre, illustrateur et écrivain français
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La
philosophie n’est pas la seule raison de venir à Saint-Michel-de-Montaigne, c’est aussi une
jolie et paisible campagne ou l’admirable château, séduit les yeux autant que
la Tour de la librairie inspire le cœur. C’est un haut lieu de pèlerinage qui
nous interpelle, lors de la visite, nous évoquons la vie pieuse et rigoureuse
de ce grand homme, son œuvre et sa philosophie. Nous avons découvert ce
monument classé, datant du 14ème siècle, dont l’harmonie et la
quiétude inspira le philosophe Michel de Montaigne pour l’écriture de ses « Essais ». La Tour de la librairie dans
laquelle un étroit escalier conduit au cabinet dont les poutres et les solives
portent des devises grecques et latines. La Tour a été épargnée par l’incendie
qui ravagea le Château en 1885. C’est dans celle-ci que Michel de Montaigne,
écrivain, philosophe et politicien du XVIème siècle passait là la plupart des
jours de sa vie, et la plupart des heures du jour à méditer, penser et écrire.
La Tour historique de Montaigne
De gauche à droite Claire Théberge, Maryse Chort, Léon Owieczka,
Jean Claude Denogens en pèlerinage au pays de Montaigne.
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Le
Périgord reste l’une des destinations préférées des Français (comme je les
comprends) qui trouvent dans cette région une diversité de paysage, où
tourisme et gastronomie sont les maître-mots de cette belle Dordogne. Au cours
de mes tournées conférences-œnophiles dans le Québec, je m’étais toujours posé
des questions sur les nombreux engouements parmi nos membres Québécois envers
le Périgord. Je constate avec plaisir
que ces quatre parties du Périgord dans le département de la
Illustration des 4 parties du Périgord dans le département de la Dordogne. |
Dordogne, recense en France le plus grand nombre de richesses
patrimoniales, béni des Dieux et bien préservées. Voici les quatre
Périgord : LE PÉRIGORD NOIR avec Sarlat, terre des châteaux et de la
préhistoire, domine les vallées de la Dordogne et de la Vézère. Les paysages
sont restés là, immortellement beaux depuis la nuit des temps. Le long de la
vallée de la Dordogne, les châteaux magnifique de Montfort, Beynac, Castelnaud
ponctuent le parcours historique que nous suivons sous les beaux jours de fin
septembre 2016. Puis voici Nontron PÉRIGORD VERT, pays de l’arbre et de l’eau,
qui constitue un véritable écrin de verdure, vallonné
et sillonné d’une multitude de ruisseaux. On y trouve nombre d’églises et de
chapelles romanes. Nous entrons dans le PÉRIGORD BLANC avec Périgueux capitale.
du département, de cette charmante Dordogne, dominé par la cathédrale
Saint-Front de style romanobyzantin. Cette région est riche de panoramas d’une
grande beauté, notamment vers Hautefort. C’est le pays des plateaux de calcaire
et des larges vallées sillonnées par l’Isle et l’Auvézère. Enfin nous voici au
pays de Montaigne et de Cyrano, plus exactement en PÉRIGORD POURPRE, royaume du
vin et du tabac, nous sommes dans le Bergeracois. Pays de coteaux et de
vignobles dont le célèbre châteaux de MONBAZILLAC. De nombreuses bastides
françaises et anglaises évoque pour nous, venant du Québec une page de l’histoire régionale. C’est donc
ce qui en fait une région et un département de France prédestinée des
Québécois. Enfant de la vigne Bergeracoise, natif de Saint-Martin-de-Gurson, je
faisais remarquer à mon épouse que ma jeunesse s’est passée à une dizaine de
Kilomètre du lieu de cet illustre propriétaire-vigneron magistrat et penseur
l’auteur des « Essais ».
( archive de l’auteur )
Montaigne philosophe écrivain et grand œnophile
« Le vin est capable de fournir à l’âme de la tempérance :
au corps de la santé »
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A propos du vin:
C’est
en parcourant les textes que nous a laissés Montaigne que je le situerais dans le problème qui m’a préoccupé lors du développement
naissant de la « science œnophile » : la
vigne, par la boisson fermentée qui en sourd, ne fait pas que des tarés, des
dégénérés, des criminels et, parmi
ceux qui lui ont témoigné une
raisonnable affection, on a pu et peut encore rencontrer des génies fort
équilibrés. Et d’abord, il fut propriétaire-vigneron , C’est avec une grande
fierté que je le place donc en tête de liste de notre
« Panthéon des œnophiles ».
Toujours
dans les Essais « Il n’y a pas un mois
qu’on m’a appris que le levain servait à faire le pain et ce que c’était de
faire cuver le vin », mais il n’a pas manqué, probe observateur et amateur de vie confortable, de noter,
par exemple : « Ma contribution est
de ne faire cas de boire qu’après avoir mangé et, pour cela, je bois le dernier
coup toujours plus grand. Et parce que, en la vieillesse nous apportons le
palais encrassé de rhume ou altéré par quelque autre mauvaise constitution, le
vin nous semble meilleur. Voici donc la certitude que Michel Eyquem de
Montaigne buvait du vin mais pas de n’importe quelle matière et n’importe
quelle quantité. Esthète à sa façon, cet auteur nous a laissé de nombreuses
opinions personnelles sur ce sujets. A propos du choix des vins : « La délicatesse y est à fuir et le soigneux
triage du vin. Si vous fondez votre volupté à le boire friand, vous vous
obligez à la douleur de le boire autrement . Il faut avoir le goût plus lâche
et plus libre. Pour être bon buveur il faut un palais moins tendre.»
A propos de la quantité de vin bue :
«
Je bois assez bien pour un homme de commune façon (…) Je bois en cinq fois jusqu’à
trois demi settiers environ car les petits verres sont mes favoris et il me
plaît de les vider, ce que d’autres évitent comme chose mal séante. » Il est a noter en
passant que trois demi settiers de ce temps équivalaient à 0,75 litre de nos
jours. C’est-à-dire une bordelaise, ration normale pour 24 heures. Mais si
Montaigne dit aimer les petits verres, il convient que ceux-ci soient à son
goût : « Je me laisse aller à
certaines formes de verres et ne bois pas volontiers en verre commun, non plus
que d’une main commune. Tout métal me
déplaît au prix d’une matière claire et
transparente, que mes yeux y tâtent selon leur capacité . »
Il
y a là les règles essentielles pour bien déguster un vin n’est-il pas vrai ? Cependant
en cette manière d’agir comme en toutes autres qui réglaient sa vie, Montaigne savait « raison garder ». Il nous
le prouve ainsi : « L’ivrognerie,
entre les, autres me semble un vice grossier et brutal (…) Le pire état de
l’homme est celui où il perd la connaissance et le gouvernement de soi. On dit,
entre autres choses, que, comme le mout bouillant dans une barrique pousse en
haut tout ce qu’il y a dans le fond, ainsi le vin fait déborder les plus
intimes secrets à ceux qui en ont pris outre mesure.» Quelle observation de
valeur ! S’il a écrit, ce qui n’est pas toujours exact : « Le vin nuit
aux malades »,
il a précisé justement ailleurs : «
Le vin est capable de fournir à l’âme de la tempérance, au corps de la santé. »
Enfin,
pour en terminer, ajoutons que MONTAIGNE
a fait de nombreuses constatations économiques, sociales, gastronomiques,
même médicales, au cours de son voyage, jusqu’à ce détail savoureux que,
atteint de la maladie de la pierre, il souligne que les vins blancs sec
lui
« faisaient pisser ses cailloux sur le chemin ».